Tarik Namashu

Histoire

Histoire - 500 mots mini
Je suis né lors d'une nuit calme au cœur de l'hiver. Enfin, c'est ce qu'on m'a raconté.
Il y a peu de temps encore, je vivais dans un petit village près du fleuve Ilaïde. Là-bas, tout le monde est pêcheur ou travaille la terre. Les femmes tissent des vêtements et s'en vont les vendre au marché du village d'à côté. Tout le monde se connaît et il n'y a jamais d'histoires, les seules sont celles que les vieux racontent le soir au coin du feu.... Enfin ça c'était jusqu'à ce que j'arrive...
Pourtant, je n'avais rien demandé. Je voulais juste continuer à vivre entouré de mes sœurs, aller de temps en temps à l'école et m'amuser avec les autres gosses du village. Rien d'extraordinaire.

Un jour, je devais avoir autour de treize ans, je rentrais de l'école. Entrant dans la maison, je vois ma mère en compagnie d'inconnus. Voyant mon air inquiet, elle m'explique que ce ne sont que de simples voyageurs qui veulent un abris pour la nuit. Malgré la toute confiance que j'ai dans ma mère, je ne suis pas rassuré. N'étant pas d'un naturel craintif, je décide de repousser la peur qui me tiraille pour m'approcher. Comme tout enfant à qui l'on a appris la politesse, je lance un timide bonjour. L'homme et l'adolescent, qui devait avoir autour de dix-sept ans, se retournent vers moi.  
-"Ah tiens, voilà l'homme de la maison", dit en souriant l'homme en me tapotant la tête.
Alors que j'aurais dû lui retourner un sourire, je me plaque les mains sur la tête. J'avais été comme traversé par une décharge électrique. Inquiète, ma mère vient auprès de moi. Avec un sourire rassurant, elle explique aux deux hommes que j'ai dû avoir une dure journée et m'envoie dans mon lit. La douleur s'estompe peu à peu, mais je ne comprends pas ce qui s'est passé. Ai-je comme le disais ma mère eu une trop dure journée, est-ce dû à la fatigue ? Retournant ces questions dans ma tête, j'ai dû finir par m'endormir.

Les semaines qui suivirent cet événement furent les plus déroutantes de toute ma vie. Loin de s'apaiser, la douleur de la veille revint en force le lendemain. C'était comme si je ressentais quelque chose d'invisible à l’œil nu qui voulait entrer en contact avec moi. D'autres phénomènes étranges s'ajoutèrent à ceux-là. Je me mis à devenir agressif envers certaines personnes. Dans ces moments là, je ressentais comme un instinct qui m'était étranger prendre possession de mes sentiments, de mes actions. Comme si je n'arrivais plus à me contrôler. Ma vue également changea. Je pouvais à présent étonnamment bien percevoir dans le noir, même le plus complet. J'avais l'impression que ces phénomènes avaient toujours été là, cachés quelque part en moi, n'attendant qu'aujourd'hui pour se réveiller.
Face à ces manifestations pour le moins inquiétantes, mes parents décidèrent de m'emmener chez un guérisseur du village voisin. Les commérages dans mon village allaient bon train. Certains me disaient atteint d'une vieille maladie incurable, d'autres que j'étais possédé par un démon, d'autres encore que c'était la manifestation d'une malédiction.

Une fois arrivé chez le guérisseur avec ma mère, celle-ci resta à l'entrée en me disant de bien expliquer ce qui m'arrivais sans omettre aucun détail. J'acquiesçais nerveusement. En réalité, je mourrais de peur. J'étais peut-être vraiment possédé par un démon, comme dans les histoires des vieux  contes pour enfant. Quand je fus entré dans la pièce, le guérisseur, un homme probablement très âgé, me fit signe de m’asseoir. J'obtempérais et commençais à lui expliquer d'une voix tremblante mes symptômes. Le bonhomme acquiesçais, me posais des questions. Il finit, après une longue réflexion personnelle, par conclure que cela devait être un problème sanguin, pas de doute possible. Il me dit alors de lui donner mon bras et qu'il allait me faire une petite saignée pour commencer. Manque de bol, j'ai horreur de sang. Mon anxiété étant à son comble, je trouvais tout de même la force de tendre le bras vers lui. Mais lorsque j'ai vu la lame du couteau entailler ma peau et une goutte de sang perler, je n'ai pas pu me contrôler. En une seconde, j'étais devenu un gros chat noir, toutes griffes dehors, crachant vers le guérisseur.
Puis j'ai couru, couru. Où, je n'en sais rien. Je n'ai plus aucun souvenir de cet épisode.
Tout ce que je sais, c'est qu'on m'a retrouvé, à moitié nu sur une berge du fleuve, tremblant comme une feuille et aussi froid qu'un glaçon.

Suite à cet épisode, ma situation est devenue complexe. En effet, ma famille et tout le village étaient au courant de ce qui s'était passé. Vous devinerez que la version des faits a été largement modifiée et des rumeurs folles couraient sur mon compte. Il fallait pourtant les comprendre : pendant des années, la magie avait été proscrite sur le continent et les villageois avaient été élevé dans la peur de la magie. Moi-même j'avais peur, je ne comprenais pas ce qui m'arrivais. Au fond de moi, je craignais toujours de me transformer, que quelqu'un me surprenne, d'être en vérité le démon dont parlaient les gens autour de moi. Lors de cette période, j'ai appris à contrôler mes sentiments, à refouler mon don au plus profond de moi-même. Je suis devenu beaucoup plus taciturne, distant avec les autres. Je n'avais d'ailleurs aucun mal à le faire puisque la plupart du temps, c'étaient les villageois qui m'évitaient. Je vivais très mal cette situation et je n'acceptais pas mon don, ou plutôt cette malédiction, qui me rendait différent des autres.

Cependant, environ deux années après l’événement du guérisseur, des voyageurs passèrent à nouveau dans le village. Cette fois-ci, il y avait un magicien parmi eux. Curieux, je m'étais même rapproché du groupe de voyageurs. Je ne sais plus comment, mais à un moment donné, j'ai osé approcher le magicien. Je pense qu'une part de moi-même était irrésistiblement attirée par lui. Lorsque, sans faire exprès, je suis entré en contact avec lui, j'ai ressenti le même électrochoc que deux ans auparavant. Lui aussi avait perçu quelque chose. Il m'invita à s'asseoir avec lui et à lui raconter qui j'étais. Je lui avouai alors tout : mon don, les manifestations étranges qui m'assaillaient, la réaction des villageois, mes peurs, mes craintes.
En retour, il me parla de l'académie. Un lieu où les personnes avaient tous un don elles aussi et vivaient en harmonie, dans l'acceptation de leur don et l'apprentissage de la magie. Mon intérêt était vif. Je m'imaginais déjà dans un environnement où je serai accepté comme j'étais. Je décidais alors de partir avec le magicien qui justement se rendais à l'académie. J'étais à la fois inquiet et fou de joie. Inquiet de quitter ce que j'avais toujours connu mais rempli d'espoir quant à mon futur.