Vigueur et bonheur couraient dans les veines de Pelleas comme de l'ambroisie chaude et revigorante, à l'annonce du tournoi du festival.

Étrange sentiment pour cet être qui ne se sentait vivre que dans le feu de l'action. Le désir était fort en lui, et l'attente plus encore. Cet évènement presque mondain de réconciliation des peuples ne l'avait guère intéressé avant qu'il soit fait mention des duels interraciaux entre les plus fines lames du royaume.

Sa politique isolationniste et protectrice même ne pouvait rester longtemps intègre devant de telles perspectives, et la défense d'Edälia fut laissée à son épouse, son fils, et à ses disciples. Bien qu'il eût été très plaisant de montrer à tous que les Vesper étaient les meilleurs sans contestation possible, le comte n'était pas homme à délaisser la lutte contre les démons, et agir autrement eût été futile.

Puisqu'il devait venir en tant que membre du conseil vampirique, il fut donc décidé que lui seul partirait, et qu'il serait donc seul participant parmi les siens.


Et il fut décidé que son premier adversaire serait Raksha, le dernier des Orochi. Le nom de cette espèce suffisait à ramener une étrange nostalgie chez le vétéran de la guerre des éléments qu'était Pelleas. Il se souvenait des membres de cette race serpentine pourvue de quatre bras, et des rudes combats qu'il avait menés contre ces pillards.

Ressassant ses souvenirs, il lui sembla qu'humain, seuls leur manque de tactique et ses incroyables prédispositions lui avaient permis de survivre aux combats les impliquant, sans toutefois tous les emporter pour autant. Vampire, il reconnaissait qu'il s'agissait des adversaires proprement remarquables, mais qui ne pouvaient grand chose contre lui. Ses capacités étaient trop extraordinaires pour que ces êtres qui tenaient plus de l'animal que d'une personne pensante par leur comportement soient dangereux.


Cependant, son adversaire serait différent : il connaissait les armures et les armes. La tactique ne lui était pas étrangère, et il avait survécu à la guerre élémentaire, et au-delà. En regardant le nom des participants et leurs faits d'arme, il lui avait semblé qu'il s'agissait du guerrier le plus formidable, Viktor excepté. Tous ses vœux étaient dirigés vers un affrontement au premier tour contre l'un d'entre eux, et il avait été conscient de sa chance quand le duel fut décidé.

On peut également noter que Vesper était pour une fois heureux de la décrépitude qui touchait les vampires de sang-pur concernant leurs capacités quand il ne pouvaient point boire le sang des fondateurs, car elle rendrait en fait le combat équitable. Il souhaitait gagner, mais se soucierait bien peu de perdre s'il devait gagner en échange un rival, un nouveau but, et avoir l'occasion d'observer un combat entre Viktor et l'Orochi.


Nous voici à l'heure du combat : la nuit venait. À part le combat entre l'elfe et l'humaine, tous avaient eu lieu à cette heure nocturne le Lundi, et le sien était le premier. Les vampires de sang-pur avaient dû attendre ce temps pour batailler.
Mais à la lueur des torches, le serpent avait un aspect extraordinaire, entre ses quatre bras tenant quatre épées, son armure couvrant l'intégralité de son corps... Entre elle et les écailles, il serait difficile de lui faire mal sans l'endommager. Et les coups à la tête ayant été interdits, il ne toucherait point au chef de son adversaire, seule partie réellement vulnérable.

Tout ce qu'il avait pour sa part était une cotte de maille de maître qui l'entourait ainsi qu'un sabre, merveilleusement bien conçu, qui pourrait résister à l'intensité du combat. Les combats de jour à la frontière démoniaque, où lui seul pouvait réellement tenir le front loin des lieux ombragés, l'avaient habitués au port d'une armure là où d'autres vampires se contentaient de leur régénération.

Réprimant son envie de commencer le combat tout de suite, le vampire attendit que Myrddin, le vieux directeur de l'académie, l'annonce à son tour et il parût, vite encouragé par de nombreuses clameurs provenant des spectateurs. Il sourit, le sabre pointé vers le sol lorsqu'il avançait vers son adversaire. Et il ne fut pas déçu par sa proposition, à laquelle il répondit par un sourire carnassier qui se voulait jovial et un salut.

Excitation et extase parcoururent ce grand guerrier, qui la réfréna pourtant assez vite. Lors d'un combat, il devait garder les idées claires, même si la joie propulsait chacun de ses membres. Habitué à ce curieux mélange de lucidité et de gaieté belliqueuse, il mit en place le processus avant même de répondre.

- Réjouissons-nous donc. J'espérai que vous me fassiez cette proposition.


Alors, Myrddin sonna le combat, et l'Orochi fonça. Il l'attendait quant à lui de pied ferme, plus habitué à résister aux assauts de démons qu'à débuter les batailles. Les quatre lames étaient habilement coordonnées, et un ravissement respectueux le saisit lorsqu'il vit que, là où de nombreux combattants peinaient avec deux armes, celui-ci se débrouillait très efficacement avec les quatre.
Pelleas allait au-devant de leur trajectoire, et même lorsque tous les assauts étaient simultanés, il repoussait une lame après l'autre avant de se remettre en garde. Une autre lame l'eut certainement aidé, mais elle ne convenait point à ses projets.

Kyrielle de coups précis se poursuivit, et toute personne moins expérimentée eut certainement péri décapitée avant d'avoir pu parer une seule fois, mais cela était relativement simple pour le comte Vesper. Cependant, pendant une seconde, il commit une erreur en considérant une feinte trop rapidement qui fut rapidement exploitée.

Son expérience sur les guerriers armés reposait essentiellement sur ceux n'ayant que deux bras et des jambes, et il ne s'était pas tout à fait adapté. Aussi, un coup qui lui semblait évident à déjouer porté par un tel adversaire était transformé par un Orochi en une attaque normalement létale, et le serpent eut le premier sang. Se propulsant sur sa jambe valide, le blessé recula et se remit en garde, le temps que la plaie qu'il avait au genou se régénère.

Hardis, les sourires se croisèrent, et peu nombreux furent ceux du public qui comprirent que les combattants s'amusaient plus qu'il ne l'avaient fait en une longue période. Les rôles avaient à présent changé : après avoir testé sa ligne de défense, l'Orochi invitait le vampire à attaquer. Il tenait à le jauger.

Ardemment, il prit cette invitation comme une offre, et courut en direction d'une ouverture. N'en trouvant pas, et sachant qu'il serait difficile de le déloger dans sa position, Pelleas décida de défaire ses moyens de défense. Profitant de sa force phénoménale, il attrapa le premier bras qui para un coup de sabre et serra aussi fort qu'il put, essayant de lui broyer suffisamment son membre pour l'empêcher de l'utiliser en combat. Il surveillait la queue de son adversaire d'un œil, ne voulant pas être renversé, et de l'autre il essayait d'empêcher toute tentative visant à contrer son entreprise de rendre un des bras de son adversaire inopérant.