J'étais heureuse de cette journée. Non seulement, j'allais me battre lors d'un grand tournois, mais j'ai eu l'occasion de revoir Léandra. Ma chère sœur...Apparemment, elle a réussi à trouver un travail de professeure de créature dans l'académie d'Edälia, comme elle l'avait prévu le jour où nous avons pris nos propres chemins. Elle semblait épanouie, contente...cela me faisais du bien, moi qui l'ai connue tellement lunatique, alternant entre la joie d'avoir fait une escapade dans la nature et la rage et la peine qu'elle avait à ne jamais pouvoir se plonger dans la musique. Léandra semblait heureuse, et ça me rendais de bonne humeur. Toutefois, j'étais sûre que ses problèmes n'étaient pas réglés. ses paroles, sa voix, ses habits, ses manières...Elle a toujours fait en sorte de paraître parfaite et sans défauts, pour éviter que les individus ne s'attardent sur ses points faibles, ou ses peines. Mais aujourd'hui... elle semblait juste plus contente de sa vie. Si elle acceptait son don, si elle l'apprenait à l'utiliser, alors elle deviendrait presque parfaite, comme elle l'avait toujours voulu. Et à la place du mot "parfaite", j'ai toujours entendu "soi-même" à la place... pauvre petite sœur... mène bien ta bataille, je dois mener la mienne.

Eamanë Soraenel se tenait devant moi. Une elfe, apparemment. Maintenant que j'y pense, je n'ai pas remarqué d'autres elfes s'étant inscrit au tournois, ou en tous cas, celui des armes blanches. Ce doit être la seule étant venu se battre au nom de son peuple. Pendant que le directeur de l'académie d'Edälia faisait un discours, l'elfe me fit une élégante révérence. Voilà qui était distingué de sa part. Cela faisait longtemps qu'on ne lui avait jamais offert une belle salutation comme ça. Ayant été considérée comme morte, personne ne se rappelais que j'étais à l'origine une duchesse. Aucunes connaissances de la confrérie des aventuriers aussi ne me faisait cet honneur: nous étions tous frères et sœurs, peu importe le passé. Quant aux adversaires... la plupart étaient des gredins, des sauvages, des barbares sans éducations et respects, que j'adorais frapper un bon coup pour leur apprendre les bases d'une bonne conduite dans le monde civilisé. Assez ironique lorsque l'on sait que je me comporte comme une guerrière sauvage envers les sauvages... Mais j'étais heureuse de voir un peu de respect envers moi après tout ce temps, et c'était avec un sourire sincère que je lui retournais ça révérence.

-Que le combat commence

La voix de Myrddin mit un terme à son propre discours, et servit de départ au combat. Eamanë sortit un magnifique sabre, et se mit en position. Je n'ai pas manqué non plus de voir le second sabre, toujours dans son fourreau, qui devait très certainement attendre d'être dégainé un peu plus tard. Une combattante avec deux sabres...Je me battais presque toujours avec deux armes: ma masse, et une épée, histoire de pouvoir à la fois écraser et trancher. J'avais tendance à négliger ma défense, étant donné mon don de pouvoir traverser certaines matières: à quoi bon avoir une armure lourde et un bouclier solide lorsque souvent, les armes passent à travers vous? Toutefois, je fut bien en peine d'apprendre que la magie, donc les dons, étaient interdis lors de ce tournois. Je décidais donc de troquer mon épée contre un bouclier en fer, qui n'était pas de la meilleure qualité, mais qui pourra tenir le long de cette danse avec l'elfe. Pour l'armure, j'ai décidé de prendre tout bonnement une côte de maille, rien de plus. Bien sûr, je n'allais pas me séparer d'Evangeline, ma fidèle masse qui m'accompagnait depuis le début. C'était l'armurier personnel de la garde de mon père qui me l'avait construit, le jour où celui-ci s'était résigné à me donner des cours de combat. Elle avait écrasé tant de choses avec la tête de cette masse que j'ai presque fini par l'apprécier comme une protectrice, et ai décidé de lui donner un joli nom. Cela aurait été amusant si j'avais pris aussi deux armes face à l'elfe, elfe qui décida d'ailleurs de mener l'assaut en premier.

Quelle rapidité. J'étais déboussolée par sa vitesse. Chaque coup était précis, et arrivait presque toujours à destination sans que je ne puisse agir assez rapidement. L'elfe sembla décider qu'Evangeline était de trop dans le tournois, et commença à frapper plusieurs fois d'affilés dessus pour que je la fasse tomber. Assaillis par plusieurs attaques de la rapidité d'une flèche, je reculais en tentant de me défendre le plus possible. Cette combattante ne me laissais aucun moment de répits. Son avant dernier coup eu pour effet de m'ouvrir un peu trop à elle, et en profita pour approcher brusquement la pointe de son épée à deux doigts de mon visage. L'angle était arrivé de nulle part, et je ne m'étais en aucun cas attendue à ça. Pour finir son introduction, Eamanë fit un gracieux bond de quatre ou cinq mètres pour atterrir un peu plus loin. Voilà qu'elle tenait la position maintenant, avec un visage qui n'avait absolument pas changé depuis le moment où elle était entrée dans l'arène. Pas très expressive. Rapide, efficace, probablement galante, mais aucun changement sur son visage. Quand à moi, je pris une grande respiration, avant de souffler un bon coup. Sa première attaque fut fulgurante, et je ne pu me réserver un instant pour respirer.

Voilà qu'elle m'attendais. Quelque chose que je n'aimais pas était de m'approcher des ennemis. J'avais tendance à me battre avec des contres-attaques: laisser l'adversaire faire ce qu'il voulait bien faire, et trouver la faille dans sa technique pour combler le trou avec Evangeline, puis reculer, attendre sa nouvelle attaque et vice versa. Eamanë était bien trop rapide pour que je puisse contre-attaquer. Elle avait usée d'une stratégie assez offensive, utilisant des ruées de coups pour exiger de son adversaire une attention de tous les instants, lui demandant de se mettre donc à la défensive. Mais qu'est ce que cela allait rendre lorsque j'allais m'avancer vers elle...

Nous allons le savoir bien assez tôt

Elle se mis en position, position qui semblait plus défensive qu'offensive: bouclier vers l'avant, et Evangeline en retrait derrière elle, comme prête à se lancer à la moindre présence de lame au delà de la limite du bouclier. Je commençais à courir vers mon adversaire, laissant passer mes yeux au dessus de ma défense. On aurait pu croire que mon but était de lui faire manger mon bouclier: que nenni, du moins, pas immédiatement. Au lieu de faire ça, je retirais d'un coup mon bouclier qui nous séparait, et je lançais Evangeline à l'assaut du coté gauche de l'elfe. Après mon coup, je fit un tour sur moi-même. En milieu de parcours, mon dos était à découvert. Position dangereuse, même si j'allais rester qu'un millième de seconde, étant donné le fait que mon adversaire était suffisamment rapide pour pouvoir lui planter son épée dans le dos...mais la chance souris aux audacieux non? (ah...ces petites phrases toutes faites qui servent à nous rassurer face à nos erreurs) Alors que j'étais toujours dans cette position, je décidais de continuer la fin de mon attaque en tendant mon bras possédant le bouclier, suivant le rythme du mouvement et venant vers l'elfe comme l'annonce d'une grande gifle. Une fois dans ma position initiale, je repris ma position défensive: bouclier près du corps, présenté devant, Evangéline en retrait.

J'ai terminé mon pas. Maintenant, au tour du partenaire de mener la danse.

Mon attaque n'avait pas été des plus efficaces, mais n'avait pas été inutile non plus. Eamanë avait bien esquivé mon premier coup, paré mon second au dernier moment et esquivé le dernier, mais j'étais contente pour deux raisons. La première étant le fait que je ne lui ai pas donné le temps de riposter lorsque j'étais vulnérable, entre deux de mes attaques. Ou alors, l'idée ne lui a pas traversé l'esprit, ce qui serait bien étrange de la part d'une elfe. Combien d'années d'entraînement avait son adversaire ? Une cinquantaine ? Une centaine ? Probablement bien plus, les elfes possédaient une grande longévité. Quand je pense que cette elfe devait une adulte alors que je n'étais même pas née...comment pouvait-elle rivaliser avec autant expérience ?

Pourtant, il fallait que je le fasse, ne serais-ce que par respect envers mon adversaire. Si tous les humains devaient fuir les combats avec des individus centenaires, alors l'homme se battrait uniquement contre l'homme. Et puis il y avait toujours un espoir. Je devais juste faire de mon mieux. Arracher la victoire à cette elfe relèverait probablement du miracle...mais si on ne fait rien, le miracle ne viendrais probablement pas. « Aide-toi et la lune t'aidera », disait ma nourrice.

Alors que j'étais en position défensive, j'attendais que mon adversaire tente une attaque soit à ma droite, soit à ma gauche. Si elle attaquait à ma droite, Evangeline aurait le plaisir d'embrasser son visage. C'était prévisible, elle le savait. Ce n'était pas le genre de femme à se faire berner aussi facilement. J'étais pourtant sûr de pouvoir la toucher un minimum si elle tentait quoi que ce soit de ce coté : lorsque mes ennemis se plient à mes règles, je suis le maître de la partie. Si elle attaquait à ma gauche, le résultat serait moins prévisible que la droite, car aucune contre-attaque ne semblait prévu pour cette situation. Elle comptait surtout donner dans ce cas de figure donner un coup de bouclier, suivre son mouvement et se remettre en position de défense, et ce jusqu'à ce qu'Eamanë se résigne à attaquer par la droite.

Finalement, elle m'épargna la peine de me répéter, attaquant directement vers ma droite. Alors qu'à son habitude, l'elfe arriva à une vitesse effroyable, elle enclencha mon système de défense. Evangeline, comme poussée par un mécanisme, fonda en diagonale sur l'elfe, qui réussit à parer le coup avec ses plaques sur le bras. En voilà une qui commençait à se montrer bien plus dangereuse qu'au début. Non seulement, elle était rapide, mais en plus elle possédait une bonne armure, qui, pour couronner le tout, n'entravait pas ses mouvements. Il était rare de mélanger aussi efficacement rapidité et défense. Et moi, qu'avais-je ? Une défense très moyenne, malgré une masse bien résistante et destructrice. Ah...si j'avais mon don, le combat aurait été assez équilibré. L'alliage elfique était de très bonne qualité. Si un jour j'avais l'occasion d'en posséder, je n'hésiterais pas une seconde. Il était tout de même agaçant de voir qu'Evangeline ne faisait qu'un minimum de dégât. Si ça avait été une armure plus standard, je me serais occupé des défenses en moins de deux. Son sabre aurait été endommagé, au même titre que sa protection aurait été bien amochée. Si le sabre a tenu bon, au moins, Evangeline avait légèrement endommagé la protection, ce qui était un peu rassurant. Elle avait les moyens de lui faire un peu de mal. Mes chances de gagner étaient minimes, mais existantes.

Alors qu'elle venait donc de parer mon coup, elle se baissa et décida de faire rencontrer son pied avec mon ventre. Bien sûr, le coup me fit reculer, et je perdis ma position défensive, le corps bien présenté à l'ennemi. Que je détestais être vulnérable. Voilà que je me présentais devant elle, à découvert, lui laissant l'occasion de rentrer sa lame dans mon ventre, me décapiter, m'atteindre les jambes ou les bras. Eamanë semblait avoir décidé d'attaquer ma main droite, portant Evangeline. Je partis du principe que la masse la déstabilisait un peu. Après tout, elle avait réussit à lui toucher légèrement son bras, elle devait donc représenter une grande menace. Il n'y a même pas d'ailleurs besoin de ça pour voir une arme comme une menace d'ailleurs.

C'est donc un sabre qui fonda sur mon bras droit. Encore une fois, sa rapidité était fulgurante, et je sentis une douleur. Elle m'avait touchée. Je sentis sa lame rentrer légèrement dans ma chaire. Je fis une grimace que je tentais de dissimuler le mieux possible. Montrer un signe de faiblesse n'étais pas la meilleure chose à faire. Suivant le mouvement de mon adversaire, tenant de ne jamais lui tourner le dos une seconde, je me penchais un peu vers la blessure que je cachais derrière mon bouclier. La douleur me fit perdre ma prise sur Evangeline, mais la dragonne me permis de garder la masse attaché à mon bras. La chose que je détestais le plus au monde, s'était avoir laissé l'ennemi me blesser. Et plus un animal est blessé, plus il se bat avec hargne.

Pour une fois, rien de prévus. Je laissais mon instinct commander le temps d'une demi-seconde. À peine l'elfe s'était remise en position que je commençait une nouvelle charge. Elle voulait jouer à qui était le plus rapide ? Fort bien. J'allais perdre, mais j'y aurais mis mes tripes. C'est ainsi que je pris la sangle de mon bouclier avec mes deux mains, et je me propulsais vers elle, tentant d'être le plus rapide possible afin de l'atteindre avant qu'elle ne se remette en position. Je réussis à l'atteindre avant qu'elle ne puisse s'écarter.  Etant assez courbé sur moi-même, j'eu la soudaine réaction de soulever le bouclier, ce qui eu pour effet de soulever mon adversaire avec le mouvement. Au vu de l'effort, je laissait échapper un râle, utilisant autant la force de mon bras gauche que celui de mon bras droit blessé. Je finis mon mouvement en jetant mon bouclier en arrière, mes bras au niveau de mon cou. Encore une fois dos à mon adversaire, je ne savais pas dans quel position elle était après ma charge et mon renversement plus ou moins spectaculaire. Était-elle à terre ? Elle s'était peut-être déjà relevée, voire, n'avait jamais tombé un seul moment. Toutefois, je doutais que cela n'ai servis à rien. Au mieux, elle devait être déstabilisé. Je profitais de cette hypothèse en reprenant la main sur la garde d'Evangeline, et en posant mon pied gauche perpendiculaire au droit. C'est avec toute ma hargne, toute ma force, toute mon énergie que je fis en sorte qu'Evangeline fendre l'air avec rapidité et puissance. Je me retournais, et jeta un coup, sous la forme d'un arc de cercle inversé : La masse descendant, puis remontant. Si elle était à terre, je risquais de ne pas la toucher. Si elle était en train de se relever, il y avait un risque pour qu'elle se prenne le coup au visage (Ce qui m'inquiétais assez, car je ne voulais absolument pas tuer mon honorable adversaire). Si elle était déjà debout, ses jambes seraient fauchés par le coup. Oui, c'était une attaque à l'aveuglette, mais elle avait plus de chance de toucher ça cible que faire mouche. Alors que la masse continuait sa route, je décidais de terminer de pivoter, toujours dans la même direction, bouclier tendus, cette fois-ci plus près du corps. C'est à ce moment que je pu voir le résultat de mon coup assez sauvage.

L'attaque avait eu pour effet de blesser assez violemment l'elfe qui se trouvait en face de moi. Cela était une bonne nouvelle: même si je ne prenais pas un plaisir particulier à faire souffrir un adversaire honorable, je ne pouvais que me réjouir de voir que j'ai réussis à toucher mon adversaire à la jambe. C'était une bonne nouvelle, cela allait entraver ses mouvements. Elle qui était rapide comme un oiseau de proie, j’espérais qu'elle allait se calmer un peu.

C'était assez ironique de constater que l'elfe aussi s'avère coriace une fois touchée.

Elle sortit son deuxième sabre (j'étais sûr qu'elle allait sortir les deux de son fourreau avant la fin du combat), et en un rien de temps, bondit sur son pied valide, pour atterrir juste devant moi. Alors que je m’appétais à utiliser une nouvelle fois Evageline, elle dévia mon bouclier de son chemin et me donna un coup de coude vers l'estomac, qui me coupa le souffle. Non seulement elle était rapide, mais elle avait de la force dans les bras lorsqu'elle le voulait. Elle continua ses manœuvres en commençant à tailler en pièce mon bras droit.

en un rien de temps, je me trouvais paralysé. Un sabre au cou, un autre près de l'estomac, je ne pouvais rien faire. Le tournois était fini pour moi? Déjà? Après m'être entraîné longtemps pour cet événement...c'était assez décevant. Je savais que je n'étais pas la meilleure guerrière de tout les temps, mais je ne m'attendais pas à être battus aussitôt. Quoique, je m'étais assez bien battus, et face à une combattante bien plus qu'honorable.

J'étais vaincu. J'aurais bien réussis si j'avais eu l'occasion d'utiliser mon don. C'était fort dommage. Ce fût une belle danse, mais j'ai perdus, et je devais l'accepter. Mais au lieu de juste dire que j'abandonnais, je décidais d'une manière un peu plus théâtrale. Je regardais Eämane, et commença à lui parler avec un sourire malicieux:

-En temps normal, sans les règles, j'aurais été plus coriace. J'espère que la petite humaine que je suis ne vous a pas déçu.

Je laissais Evangeline tomber de ma main, restant pendu à mon bras par la lanière, et laissait aussi tomber mon bouclier sur le sable. Soudainement, j'avançais vers elle, l'air aussi naturel. Ma nuque et mon ventre traversèrent la lame, comme si de rien était, et je traversais le corps d'Eamanë, continuant de regarder autour de moi.

-félicitation, vous avez gagné

Je continuais de marcher tranquillement, traversant les grilles de la porte. Ce n'est pas tout ça, mais j'avais du boulot à faire. Laissons ce tournois derrière nous et revenons à nos affaires. L'aventure m'attendais.